SÉDUIRE : cinq leçons sénégalaises
PHOTOGRAPHIES : Fabien de Cugnac ÉDITIONS ALTERNATIVES, 5 rue de Pontoise, 75005, Paris p3
|
|||
Les autres femmes ne paraissent pas la voir mais les hommes lancent de côté des regards de connaisseurs intéressés par une pièce rare. Deux jeunettes rutilantes engagent une conversation à voix exagérément haute, agitant les élytres bombés de leurs ongles nacrés. «Vraiment tu ne trouves pas que notre cousine Fatimata est devenue trop grosse ? Tu as vu les fesses qu'elle a ! » " Tchiiip, chuinte la deuxième en roulant des yeux. Elle doit se gaver de laakh1 toute la journée pendant que ses bonnes préparent le manger de son mari. » Les autres voyageurs écoutent et rient sans bruit, attendant la riposte. La belle voyageuse, sans que son masque n'exprime de sentiment, les yeux fixés sur le vieillard endormi sur son chapelet qui, à chaque heurt, cogne sa tête usée contre l'épaule de l'étudiante, élève à son tour la voix. « Les jeunes filles d'aujourd'hui n'ont aucune éducation. Elles croient tout savoir parce qu'elles regardent les magazines et suivent les régimes amaigrissants des toubab2. Moi, j'ai fini de sucer le lait de ma mère. Je sais ce que veut un homme. Il n'a pas besoin d'un sac d'os dans son lit, et qui parle tout le temps. Tchiiip ! » Un de ses voisins ponctue la diatribe de « hahum....» emphatiques et de « c'est vrai » philosophes. L'assistance se régale de cette joute indirecte, qu'interrompt le débarquement majestueux de l'opulence incriminée. |
|||