SÉDUIRE : cinq leçons sénégalaises
PHOTOGRAPHIES : Fabien de Cugnac ÉDITIONS ALTERNATIVES, 5 rue de Pontoise, 75005, Paris p2
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Avec un cri de terreur à l'idée de se charger encore, la guimbarde s'arrête au coin d'une rue pour laisser monter un groupe de passagers. À leur tête, une femme magnifique, du genre que redoutent les voyageurs en commun. Douze places, c'est douze places. Peu importe si la générosité fessière de certaines passagères mériterait en récompense l'attribution de deux sièges. Souveraine, malgré les cahots qui ont repris, la dame détache sa croupe à l'horizontale et l'impose magistralement entre deux hommes heureux d'être maigres. Chaque fois que cette scène se déroule sous ses yeux, l'Étudiante s'étonne de la grâce et de l'efficacité du geste. La dame lui fait face. En même temps que sa masse, la voyageuse a introduit les capiteux effluves de son parfum. L'air et la fumée qui affluent par les fenêtres et la porte cèdent le terrain devant si forte partie. La dame est drapée de la tête aux pieds d'un textile bleu brillant, qui crisse et se casse en plis profonds. Une épaule lisse s'arrondit hors de l'encolure brodée du vêtement. Plusieurs anneaux d'or ourlent ses oreilles. Un pendentif s'engage dans le sillon des seins. Sur le cou très droit, la tête paraît légère, pourtant chargée d'une rosacée de tissu aux pétales pointus. Les paupières sont bleutées, la bouche bronze doré. La dame fouille dans son sac pour payer l'apprenti, faisant trébucher ses bracelets. Sa prestance laisse deviner la maturité des quarante ans, mais rien ne paraît pouvoir ternir sa beauté. |
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